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Leçon 16 : L’habit de fait pas le moine

Qui ne connaît pas l’image d’Épinal du chercheur dans son laboratoire, tenue vestimentaire négligée, barbe mal entretenue et sandales au pied ? L’archétype du génie concentré uniquement sur ses travaux et pour qui les habits sont tout aussi futiles que le contenu de son assiette qu’il gobe, l’esprit suspendu à la résolution de ses équations de Cauchy-Riemann.

Leçon 17 : L’art de se servir des gens

Le courtisan a les yeux et l’esprit tournés vers le haut de la pyramide. Ses collègues ou ses subordonnés ne l’intéressent pas vraiment… sauf s’ils lui sont utiles à ses petites affaires. Dans ce cas, il utilisera son redoutable arsenal manipulatoire pour obtenir le service attendu : flatterie, signes d’amitié, mise en confiance, vérité déformée… Et puis, l’information récupérée, son interlocuteur redeviendra à ses yeux ce qu’il a toujours été : un petit personnel aussi important qu’une crotte de lama. C’est le syndrome du kleenex jetable. En temps normal, point de visite, point de café, point de compliment.

Leçon 18 : Le mensonge manipulateur

Le propos de Sophocle, a priori choquant, se justifierait dans certains cas. Ainsi, on absoudrait le mensonge thérapeutique du médecin qui cache à son patient une vérité trop lourde pour celui-ci. On comprendrait encore, que dans un climat de crise, un gouvernement « contrôle » la divulgation d’informations qui amplifierait un problème initial et rendrait la situation ingérable. Le mensonge paraîtrait alors comme « un moindre mal », excusable au nom d’un intérêt supérieur.
Mais alors ou en placer le seuil ?
Pas très haut, répond le courtisan qui, en bon casuiste, n’hésite pas à combiner l’aphorisme de
Sophocle avec un autre qu’il est toujours prompt à sortir de sa boîte à outils : « la fin justifie les moyens ». Ainsi équipé, tout ce qui lui importe justifie le mensonge : la perte d’un client, un chiffre d’affaires à la baisse, ou une opportunité de briller face au directeur. Du coup, il n’hésite pas à mentir pour se donner un avantage tout en manœuvrant habilement pour ne pas être démasqué.
Dans la fable ci-dessous, un renard aperçoit un soir le reflet de la lune au fond d’un puits. Pensant voir un fromage, il y descend et se retrouve fort désappointé de ne rien trouver et de ne pas pouvoir remonter. Coincé une journée et une nuit, il voit enfin passer son compère le loup. Il lui promet le fromage et l’engage à descendre par le second seau accroché à la corde. Le loup descend et le mouvement de balancier des poulies permet au renard de se sortir de ce mauvais pas.
Voilà un bel exemple de mensonge manipulateur destiné à se sortir d’affaire, quitte à enfoncer un peu plus ses collègues…

Un courtisan peut aussi mentir par lâcheté car il est parfois difficile d’avouer la vérité. Face à un salarié mécontent, il rejettera la responsabilité sur un autre chef, sur une stratégie invérifiable ou fera tout simplement des promesses « de gascon » qui ne pourront être honorées. Il s’en sort ainsi à bon compte, comptant sur la courte mémoire de ses collègues, la roue du destin et son habilité.

Leçon 19 : Le méchant gentil (et vice versa)

La technique est connue et appliquée par les polices ou services de renseignement du monde entier (du moins dans les films d’espionnage !) : alterner un comportement méchant avec un comportement gentil. Cela peut se faire seul ou à deux. Dans ce deuxième cas, les rôles sont définis à l’avance. L’un joue le rôle du « méchant », l’autre joue le rôle du « gentil ».
Toujours au cinéma, les résultats sont spectaculaires et le pauvre interlocuteur cède rapidement à ce tandem infernal. Psychologiquement, il a tendance à s’accrocher à la bouée « du gentil » et lui avouer tout ce qu’il souhaite (sauf quand il s’agit de James Bond qui résiste très bien avec courage et humour).
Mais rassurons-nous : bien que peuplée de loups et de renards, l’entreprise ne dispose pas (souvent) de tanières où ont lieu les interrogatoires musclés. Il n’empêche que cette technique est régulièrement utilisée dans les négociations ou dans les redressements de situations.

Leçon 20 : La vérité selon moi

Il y a environ 60 millions de Français pour 6 milliards d’habitants sur la planète. La probabilité pour que vous ayez eu une réunion avec 5 Français ce matin à votre boulot est donc de 0,0000000001, soit une chance sur 10 milliards.
Ce genre de calcul apparemment exact illustre la facilité qu’il y a à « manipuler » les chiffres ou du moins à les adapter à sa convenance. Les données brutes n’ont donc pas beaucoup de valeur. Ce sont les informations que vous allez en tirer qui feront la différence. Aussi, la façon de les extraire, de les isoler, de les consolider et de les présenter pourra-t-elle changer radicalement votre message.
Un courtisan veut vendre une nouvelle idée ? Sans doute s’attardera-t-il sur ses avantages et oubliera quelques inconvénients. Après tout, les gens autour de la table auront-ils la présence d’esprit et le temps de discerner le vrai du faux pendant les dix minutes que durera l’exposé ?

Leçon 21 : Diviser pour régner

« Divide et impera » : cette stratégie gagnante est connue depuis longtemps. Elle consiste à réduire le pouvoir de vos ennemis en les séparant en entités plus petites, moins puissantes et donc moins nuisibles. Puisque l’union fait la force, la désunion crée la faiblesse.

Leçon 22 : L’art de la satellisation

Agrandir de façon conséquente son périmètre afin que le projet final devienne si gros et si coûteux qu’il ne puisse jamais se faire. Pourtant, l’intention initiale était louable : pourquoi se réduire à un périmètre si petit alors que l’on pourrait envisager de belles et grandes choses ? Et dans ces conditions, pourquoi ne pas faire participer les autres services de l’entreprise afin qu’elles précisent bien leurs attentes ? Personne ne vous reprochera une volonté aussi noble de faire plus, de faire mieux et, qui plus est, de le faire de façon collaborative.

Leçon 23 : L’art de la calomnie

La calomnie, les ragots, les rumeurs, sont des outils de désinformation malheureusement très efficaces. Pourquoi cela fonctionne-t-il si bien ? Je vois deux raisons.
La première est notre inconfort face à l’inconnu et la peur que suscite la perte de contrôle. Les ragots permettent d’anticiper, de savoir avant les autres et donc de retrouver cette maîtrise. L’information, c’est le pouvoir. Un nouveau chef va débarquer : comment était-il perçu par son ancienne équipe ? Pourquoi lui et pas un autre ? Quels sont ses faits d’armes ? Quelle faute a-t-il commise pour être muté ici ? Etc. Des informations, même partielles voire erronées, nous satisfont et nous apaisent.
La seconde raison est notre penchant voyeuriste qui se réjouit bien souvent du malheur des autres. Qui n’a pas, en son for intérieur, prit un malin plaisir à assister en réunion de direction à la descente en flammes d’un chef de projet « concurrent » ou d’un vil courtisan ? Qui ne s’est pas réjoui d’apprendre l’anecdote croustillante entre la comptable mariée et son nouveau voisin de bureau ?

Leçon 24 : Les caresses de l’ego dans le sens du poil

La fable du corbeau et du renard est connue de tous. Elle explique comment maître renard arrive à subtiliser le fromage d’un corbeau en le flattant. La ficelle peut paraître grosse, mais fonctionne très souvent. Pourquoi ? Tout simplement parce que le désir de reconnaissance est chez tout individu un besoin fondamental, nécessaire et omniprésent. Les compliments, subtilement dosés et formulés, font plaisir et renvoient inconsciemment une image positive de celui qui les exprime.
Poussons le raisonnement. Vous étalez toute la puissance de votre argumentation face à votre interlocuteur afin qu’il voit la pertinence de votre raisonnement et l’inanité du sien. Vous faites avancer le débat de façon constructive et en êtes fier, même si pour cela vous devez contredire votre opposant. Malheureusement, au final, votre interlocuteur gardera de votre rencontre un souvenir amer. Quittez le costume d’Alceste, le misanthrope et vêtez-vous de celui de Philinte, l’ami du genre humain. Écoutez-le, riez de ses bons mots et émerveillez-vous devant sa vivacité d’esprit : il sera content de lui…et de vous par la même occasion.

Leçon 25 : Positivez !

Les épisodes précédents décrivent des comportements et des pratiques manipulatoires malheureusement fort courantes dans nos entreprises et nos administrations. Que le lecteur désabusé se rassure : les pratiques de la cour à Versailles étaient bien plus féroces. Des cabales très sophistiquées étaient organisées et dans certains cas le poison se négociait sous le manteau. Aujourd’hui, il est devenu rare que d’un café offert émane l’odeur d’amande amère caractéristique du cyanure (méfiez-vous quand même…).
Si les mœurs ont donc globalement progressé, il reste que quelques individus suffisent à « pourrir » une ambiance de travail. Au-delà des conditions matérielles qui, elles, ont connu des améliorations souvent spectaculaires, le stress, véritable mal du siècle, est trop souvent généré par une ambiance pénible au travail, détériorée par une hiérarchie ou des collègues irrespectueux de leur environnement humain.