« Je suis le chef, je vous dis quoi faire (car je suis très intelligent). Débrouillez-vous pour le faire et que ça fonctionne… ». Voilà la vision du management de petits chefs autoritaires, pleinement investis de leur petite parcelle de pouvoir et tels qu’on aime les voir chez nos concurrents. Ce comportement est très désagréable, surtout quand le passage de la stratégie à la réalisation opérationnelle n’est pas trivial : c’est le domaine de prédilection du « Ya-ka-faucon ».
Certes, il faut une séparation des rôles : un manager décide et ne peut pas tout faire. Mais sa mission est aussi de jalonner la route de ses équipiers, de les coacher, de les aider et de les faire grandir.
Dans certains domaines techniques, notamment les systèmes d’information, il est facile de coucher sur du papier de belles et grandes idées théoriques. Jamais une présentation n’a dysfonctionné ou connu des problèmes de performance : tout est possible dans l’univers fabuleux de Powerpoint…
Les problèmes apparaissent lors de la mise en œuvre. Le diable se cache dans les détails et bien souvent les équipes opérationnelles payent le prix d’une conception novatrice trop théorique et peu robuste.
#Survivre
Leçon 12 : L’art de tirer la couverture à soi
Les études et les projets se font généralement en équipe. Le travail coopératif est encouragé afin de créer des organisations « sans couture » (seamless en anglais), où tous les talents sont mis à contribution dans un seul et même but. Quand l’objectif est atteint, c’est toute l’équipe qui gagne. Aussi est-il toujours surprenant d’entendre des personnes s’attribuer à elle seule de bons résultats ou la réussite d’un projet. « J’ai réussi à construire ce pont dans le budget et dans les délais », « J’ai fait gagner à l’entreprise 120 millions d’euros, rien que sur le dernier semestre », « J’ai réussi à déployer le logiciel sur toute l’Europe en moins d’un an ».
Il est vrai que certains leaders arrivent par leur charisme et leur énergie à mobiliser les troupes sur le chemin du succès. C’est en général suffisamment clair pour tout le monde et, sauf cas pathologique, il n’est nul besoin pour eux de le proclamer. Le monde de l’entreprise d’aujourd’hui est tel que la réussite ou l’échec d’un projet est surtout l’affaire d’un groupe. Personne n’est dupe : limiter la réussite d’un projet à la seule performance d’un individu est le plus souvent faux.
Ne serait-il pas plus intelligent de valoriser le travail collectif ? « Nous avons réussi à déployer le logiciel sur toute l’Europe en moins d’un an. J’ai une équipe formidable ! ». En plus des bons résultats sur le terrain, le responsable montrerait ainsi de la reconnaissance pour son équipe et valoriserait le travail collaboratif.
Leçon 13 : La cour, catalyseur de cabales
Par définition, il y avait plus de courtisans à la cour de Versailles que dans les marais de la Dombes. Et pour cause : les courtisans sont là pour flatter les puissants afin d’aspirer un petit peu de pouvoir et de gloire.
Il en est de même dans le monde professionnel. Là où il y a une opportunité de gagner de l’argent, d’accéder au pouvoir, de bénéficier de promotions, il y aura des courtisans, entiers dans leurs comportements arrivistes et leurs pratiques discutables. Partez de ce postulat. Cela vous évitera bien des déconvenues quand vous vous apercevrez que les décisions ne sont pas toutes prises sur des arguments factuels et qu’elles ne maximisent pas toutes l’intérêt général de l’entreprise.
Leçon 14 : Le pied dans la porte
Le pied dans la porte est une technique de manipulation décrite par les psychologues sociaux, et abondamment utilisée au travail. Elle permet d’obtenir d’une personne un service qu’il aurait probablement refusé de vous rendre à brûle-pourpoint.
La manœuvre consiste à commencer par une demande de peu de valeur et facile à satisfaire. La voie est tracée, le pied est dans la porte. La requête qui va suivre, et qui est celle qui compte, a maintenant beaucoup plus de chance d’être reçue. C’est statistiquement démontré !
Ce phénomène a été étudié en 1966 par Freedman et Fraser. Elle est depuis couramment utilisée (entre autres) par le marketing direct et tous les courtisans de France et de Navarre.
Leçon 15 : Influencer l’autre
Il existe des petites techniques de psychologie sociale qui permettent d’influencer les autres dans leurs choix. Un courtisan mal intentionné peut user de ces techniques afin d’obtenir plus facilement ce qu’il souhaite. Autant les connaître pour mieux les identifier !
Leçon 16 : L’habit de fait pas le moine
Qui ne connaît pas l’image d’Épinal du chercheur dans son laboratoire, tenue vestimentaire négligée, barbe mal entretenue et sandales au pied ? L’archétype du génie concentré uniquement sur ses travaux et pour qui les habits sont tout aussi futiles que le contenu de son assiette qu’il gobe, l’esprit suspendu à la résolution de ses équations de Cauchy-Riemann.
Leçon 17 : L’art de se servir des gens
Le courtisan a les yeux et l’esprit tournés vers le haut de la pyramide. Ses collègues ou ses subordonnés ne l’intéressent pas vraiment… sauf s’ils lui sont utiles à ses petites affaires. Dans ce cas, il utilisera son redoutable arsenal manipulatoire pour obtenir le service attendu : flatterie, signes d’amitié, mise en confiance, vérité déformée… Et puis, l’information récupérée, son interlocuteur redeviendra à ses yeux ce qu’il a toujours été : un petit personnel aussi important qu’une crotte de lama. C’est le syndrome du kleenex jetable. En temps normal, point de visite, point de café, point de compliment.
Leçon 18 : Le mensonge manipulateur
Le propos de Sophocle, a priori choquant, se justifierait dans certains cas. Ainsi, on absoudrait le mensonge thérapeutique du médecin qui cache à son patient une vérité trop lourde pour celui-ci. On comprendrait encore, que dans un climat de crise, un gouvernement « contrôle » la divulgation d’informations qui amplifierait un problème initial et rendrait la situation ingérable. Le mensonge paraîtrait alors comme « un moindre mal », excusable au nom d’un intérêt supérieur.
Mais alors ou en placer le seuil ?
Pas très haut, répond le courtisan qui, en bon casuiste, n’hésite pas à combiner l’aphorisme de
Sophocle avec un autre qu’il est toujours prompt à sortir de sa boîte à outils : « la fin justifie les moyens ». Ainsi équipé, tout ce qui lui importe justifie le mensonge : la perte d’un client, un chiffre d’affaires à la baisse, ou une opportunité de briller face au directeur. Du coup, il n’hésite pas à mentir pour se donner un avantage tout en manœuvrant habilement pour ne pas être démasqué.
Dans la fable ci-dessous, un renard aperçoit un soir le reflet de la lune au fond d’un puits. Pensant voir un fromage, il y descend et se retrouve fort désappointé de ne rien trouver et de ne pas pouvoir remonter. Coincé une journée et une nuit, il voit enfin passer son compère le loup. Il lui promet le fromage et l’engage à descendre par le second seau accroché à la corde. Le loup descend et le mouvement de balancier des poulies permet au renard de se sortir de ce mauvais pas.
Voilà un bel exemple de mensonge manipulateur destiné à se sortir d’affaire, quitte à enfoncer un peu plus ses collègues…
Un courtisan peut aussi mentir par lâcheté car il est parfois difficile d’avouer la vérité. Face à un salarié mécontent, il rejettera la responsabilité sur un autre chef, sur une stratégie invérifiable ou fera tout simplement des promesses « de gascon » qui ne pourront être honorées. Il s’en sort ainsi à bon compte, comptant sur la courte mémoire de ses collègues, la roue du destin et son habilité.
Leçon 19 : Le méchant gentil (et vice versa)
La technique est connue et appliquée par les polices ou services de renseignement du monde entier (du moins dans les films d’espionnage !) : alterner un comportement méchant avec un comportement gentil. Cela peut se faire seul ou à deux. Dans ce deuxième cas, les rôles sont définis à l’avance. L’un joue le rôle du « méchant », l’autre joue le rôle du « gentil ».
Toujours au cinéma, les résultats sont spectaculaires et le pauvre interlocuteur cède rapidement à ce tandem infernal. Psychologiquement, il a tendance à s’accrocher à la bouée « du gentil » et lui avouer tout ce qu’il souhaite (sauf quand il s’agit de James Bond qui résiste très bien avec courage et humour).
Mais rassurons-nous : bien que peuplée de loups et de renards, l’entreprise ne dispose pas (souvent) de tanières où ont lieu les interrogatoires musclés. Il n’empêche que cette technique est régulièrement utilisée dans les négociations ou dans les redressements de situations.
Leçon 20 : La vérité selon moi
Il y a environ 60 millions de Français pour 6 milliards d’habitants sur la planète. La probabilité pour que vous ayez eu une réunion avec 5 Français ce matin à votre boulot est donc de 0,0000000001, soit une chance sur 10 milliards.
Ce genre de calcul apparemment exact illustre la facilité qu’il y a à « manipuler » les chiffres ou du moins à les adapter à sa convenance. Les données brutes n’ont donc pas beaucoup de valeur. Ce sont les informations que vous allez en tirer qui feront la différence. Aussi, la façon de les extraire, de les isoler, de les consolider et de les présenter pourra-t-elle changer radicalement votre message.
Un courtisan veut vendre une nouvelle idée ? Sans doute s’attardera-t-il sur ses avantages et oubliera quelques inconvénients. Après tout, les gens autour de la table auront-ils la présence d’esprit et le temps de discerner le vrai du faux pendant les dix minutes que durera l’exposé ?