« Divide et impera » : cette stratégie gagnante est connue depuis longtemps. Elle consiste à réduire le pouvoir de vos ennemis en les séparant en entités plus petites, moins puissantes et donc moins nuisibles. Puisque l’union fait la force, la désunion crée la faiblesse.
#Survivre
Leçon 22 : L’art de la satellisation
Agrandir de façon conséquente son périmètre afin que le projet final devienne si gros et si coûteux qu’il ne puisse jamais se faire. Pourtant, l’intention initiale était louable : pourquoi se réduire à un périmètre si petit alors que l’on pourrait envisager de belles et grandes choses ? Et dans ces conditions, pourquoi ne pas faire participer les autres services de l’entreprise afin qu’elles précisent bien leurs attentes ? Personne ne vous reprochera une volonté aussi noble de faire plus, de faire mieux et, qui plus est, de le faire de façon collaborative.
Leçon 23 : L’art de la calomnie
La calomnie, les ragots, les rumeurs, sont des outils de désinformation malheureusement très efficaces. Pourquoi cela fonctionne-t-il si bien ? Je vois deux raisons.
La première est notre inconfort face à l’inconnu et la peur que suscite la perte de contrôle. Les ragots permettent d’anticiper, de savoir avant les autres et donc de retrouver cette maîtrise. L’information, c’est le pouvoir. Un nouveau chef va débarquer : comment était-il perçu par son ancienne équipe ? Pourquoi lui et pas un autre ? Quels sont ses faits d’armes ? Quelle faute a-t-il commise pour être muté ici ? Etc. Des informations, même partielles voire erronées, nous satisfont et nous apaisent.
La seconde raison est notre penchant voyeuriste qui se réjouit bien souvent du malheur des autres. Qui n’a pas, en son for intérieur, prit un malin plaisir à assister en réunion de direction à la descente en flammes d’un chef de projet « concurrent » ou d’un vil courtisan ? Qui ne s’est pas réjoui d’apprendre l’anecdote croustillante entre la comptable mariée et son nouveau voisin de bureau ?
Leçon 24 : Les caresses de l’ego dans le sens du poil
La fable du corbeau et du renard est connue de tous. Elle explique comment maître renard arrive à subtiliser le fromage d’un corbeau en le flattant. La ficelle peut paraître grosse, mais fonctionne très souvent. Pourquoi ? Tout simplement parce que le désir de reconnaissance est chez tout individu un besoin fondamental, nécessaire et omniprésent. Les compliments, subtilement dosés et formulés, font plaisir et renvoient inconsciemment une image positive de celui qui les exprime.
Poussons le raisonnement. Vous étalez toute la puissance de votre argumentation face à votre interlocuteur afin qu’il voit la pertinence de votre raisonnement et l’inanité du sien. Vous faites avancer le débat de façon constructive et en êtes fier, même si pour cela vous devez contredire votre opposant. Malheureusement, au final, votre interlocuteur gardera de votre rencontre un souvenir amer. Quittez le costume d’Alceste, le misanthrope et vêtez-vous de celui de Philinte, l’ami du genre humain. Écoutez-le, riez de ses bons mots et émerveillez-vous devant sa vivacité d’esprit : il sera content de lui…et de vous par la même occasion.
Leçon 25 : Positivez !
Les épisodes précédents décrivent des comportements et des pratiques manipulatoires malheureusement fort courantes dans nos entreprises et nos administrations. Que le lecteur désabusé se rassure : les pratiques de la cour à Versailles étaient bien plus féroces. Des cabales très sophistiquées étaient organisées et dans certains cas le poison se négociait sous le manteau. Aujourd’hui, il est devenu rare que d’un café offert émane l’odeur d’amande amère caractéristique du cyanure (méfiez-vous quand même…).
Si les mœurs ont donc globalement progressé, il reste que quelques individus suffisent à « pourrir » une ambiance de travail. Au-delà des conditions matérielles qui, elles, ont connu des améliorations souvent spectaculaires, le stress, véritable mal du siècle, est trop souvent généré par une ambiance pénible au travail, détériorée par une hiérarchie ou des collègues irrespectueux de leur environnement humain.
Leçon 26 : Tout est relatif !
Chacun dans l’entreprise a ses valeurs, ses objectifs, ses ambitions, ses motivations, son réseau d’amis, son caractère, sa personnalité et son expérience. Tous différents, nous avons à travailler avec des individus de toutes sortes : c’est là, reconnaissons-le, un exercice difficile de coopération. Régulièrement, nous sommes déstabilisés par la réaction ou la décision d’une autre personne. Dans notre propre référentiel, cette décision semble inadéquate voire stupide, injuste ou sévère.
Leçon 27 : Sachez louvoyer de temps en temps (utilisez votre GPS)
La cour était un lieu féroce où des clans rivaux se livraient une bataille acharnée pour le pouvoir. Aujourd’hui, la situation est moins exacerbée, mais le risque reste le même : un jour où l’autre, on vous demande de choisir votre camp. Pour un salarié normalement ambitieux, content de son travail et de ses collègues, la question est très embarrassante. Pourquoi choisir ? Ou pourquoi prendre le risque de se trouver du côté des perdants ou des futurs perdants ?
J’assistai un jour à une réunion où deux « écoles de pensée », sous la houlette de leur chef respectif, discutaient assez virilement du budget de l’année suivante. Un jeune chef de service voulant concilier ces deux équipes concurrentes, cru bon s’improviser médiateur. Hélas ! C’était se mettre entre le marteau et l’enclume. Les deux barons fusillèrent en moins de deux secondes la prétention de l’étourdi (ainsi probablement que sa progression salariale des trois prochaines années). Mieux averti, le malheureux juvénile arbitre aurait su que la joute à laquelle il venait d’assister faisait partie d’un jeu rituel entre les deux barons. Il aurait mieux valu pour lui s’abstenir et avoir un petit peu plus d’intelligence politique, véritable GPS de celui qui veut faire son chemin dans l’entreprise.
Leçon 28 : Acceptez la critique
S’il est bien une loi non écrite, que nos entreprises suivent sans exception, c’est celle qui stipule que toute décision entraîne son cortège de critiques. Et ni vous ni personne ne pourrez rien y changer. Vous avez beau être intelligent, pédagogue, démagogue, séduisant, convaincant, pertinent, il existera toujours une minorité de personnes pour critiquer la décision que vous venez de prendre. C’est un fait, une étonnante constante du monde professionnel, aussi universelle que la loi de la Gravitation : Dans l’univers des Schtroumpfs du dessinateur belge Peyo, cet invariant est personnalisé par le schtroumpf grognon qui répète inlassablement à chaque proposition « moi j’aime pas…. ». Pour le lecteur épris de littérature, sachez que le sujet est sérieux. Le sémiologue italien Umberto Eco a illustré les facultés de l’esprit humain en interprétation des données au travers du langage schtroumpf !
Cette propriété universelle dans le temps l’est aussi dans l’espace, puisque l’écrivain Japonais Mishima, dans son analyse du Hagakuré (Livre référence expliquant « La voie du samouraï », datant du Japon du XVIIIe siècle), écrit : « Avant de passer à la critique, on doit d’abord s’assurer que la personne visée l’acceptera, (…). Et puis, il faut agir avec tact, réfléchir à la façon la plus appropriée de dire les choses ainsi qu’au moment le plus favorable. »
Leçon 29 : Identifiez les personnes clefs
À la cour du Roi toute une faune diversifiée allait et venait : des petits maîtres aux princes de sang. Pour faire avancer un projet, pour bénéficier d’un service, le courtisan devait voir clair dans cette jungle féroce, identifier les personnes clefs et écarter les inutiles ou les nuisibles. Avec clairvoyance et patience, il réussissait alors à se forger un « carnet d’adresses » et accédait progressivement à tous les cercles concentriques du pouvoir pour aboutir enfin à promouvoir son projet. Mais pour ce faire, une connaissance très approfondie de la faune de la cour était nécessaire.
Leçon 30 : Respectez les autres
Le respect des hommes est une qualité partagée par bon nombre de dirigeants. A contrario, les petits chefs, arrogants et irrespectueux, plafonnent souvent dans la hiérarchie. Pourquoi ? Ce défaut de considération à l’égard de ses propres équipiers trahit une défiance ou une méconnaissance de leur potentiel. Or, comment fédérer et faire grandir les équipes si le manager ne croit pas en eux ?